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Eau potable: les métabolites des pesticides, une menace supplémentaire pour la qualité de l’eau potable !

L’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail)  a publié le 6 avril 2023, les résultats d’une enquête sur les pesticides et leurs métabolites dans l’eau potable, ainsi que les résidus d’explosifs. Les résultats sont alarmants.

Les métabolites de pesticides qu’est-ce que c’est ?
D’après une publication de l’ARS Bretagne, « les métabolites de pesticides se forment via des processus de dégradation ou de transformation des molécules actives de pesticides, dans l’environnement, ou à certaines étapes des filières de traitement de la potabilisation de l’eau. »
En 2019,  l’Anses a initié une campagne d’analyse, en concertation avec les ARS et la Direction générale de la santé (DGS), pour rechercher la présence de trois classes de polluants dans l’eau potable et dans l’eau brute utilisée pour la produire :
– 157 pesticides et métabolites de pesticide
– 54 résidus d’explosifs,
– un solvant : le 1,4-dioxane.

Des résultats inquiétants
Plus de 136 000 résultats ont été collectés et rassemblés. Les prélèvements d’eaux brutes et traitées ont été réalisés sur tout le territoire français, outre-mer compris, avec un objectif quantitatif : analyser près de 20% des captages d’eau.

89 de ces pesticides et métabolites ont été détectés « au moins une fois dans les eaux brutes et 77 fois dans les eaux traitées ».
Le composé le plus souvent retrouvé, est constitué par le métabolite du chlorothalonil R471811.Il est présent « dans plus d’un prélèvement sur deux », note l’Anses. Et il conduit « à des dépassements de la limite de qualité dans plus d’un prélèvement sur trois ».

Pourquoi retrouve-t-on des métabolites dans l’eau potable ?
Comme le soulignent les services de l’ARS Bretagne, la  « présence  des   pesticides   et  de  leurs   métabolites   dans   les   eaux   est  due  à  leur  entrainement  par ruissellement, érosion  ou infiltration dans les sols.  Le transfert de ces molécules dans les rivières est influencé par leur solubilité dans  l’eau,  leur stabilité chimique,  la  nature des sols,  la pluviométrie.

Un usage important des pesticides en zone fortement agricole
Les produits phytosanitaires ou pesticides sont des substances chimiques utilisées pour lutter contre les organismes jugés indésirables : plantes, animaux, champignons, bactéries, parasites rappelle l’ARS Centre Val de Loire. Ils sont principalement utilisés dans le milieu agricole mais le sont également pour des usages domestiques ou urbains (produits de biocontrôle), de voiries et d’infrastructures. De l’ordre de 6 00 tonnes de pesticides sont utilisées chaque année en région Centre-Val de Loire.

Le chlorothalonil R-471811, qu’est-ce que c’est ?
Il s’agir d’un fongicide commercialisé par la société Syngenta, il est en usage depuis 1970 et interdit en France depuis 2020. « Ces résultats attestent qu’en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l’environnement plusieurs années après l’interdiction de la substance active dont ils sont issus », note le rapport de l’ANSES.
A la suite d’autres campagnes d’analyses,  « un autre métabolite du chlorothalonil a été retrouvé avec une concentration supérieure à la limite de qualité de 0,1 µg/litre dans environ 3 % des échantillons », précise l’ANSES.

D’autres micropolluants ont également été retrouvés
le métolachlore ESA, évalué comme non pertinent par l’Anses en 2022 mais qui a été quantifié dans plus de la moitié des échantillons, sachant que « moins de 2% d’entre eux dépassent la valeur de gestion de 0,9 µg/litre définie pour les métabolites non pertinents ».

les résidus d’explosifs, restes de la première guerre mondiale ou produits par des activités industrielles d’armement, retrouvés dans moins de 10 % des échantillons d’eaux traitées.

– Le 1,4-dioxane, qui est un solvant quantifié dans 8 % des échantillons. Il est principalement utilisé pour la fabrication de produits pharmaceutiques, de médicaments vétérinaires et de produits de santé naturels dans les laboratoires. On peut aussi le trouver dans de nombreux secteurs industriels (produits de soins personnels, détergents, pesticides, emballages et additifs alimentaires, etc.).
Selon l’INERIS (Institut national de l’environnement industriel et des risques) le 1,4 dioxane suspecté d’être cancérigène est en cours d’évaluation comme substance Persistante, bioaccumulante et toxique.

Comment traiter les métabolites de pesticides présents dans l’eau potable ?
Le traitement sur charbon actif, la filtration membranaire par nanofiltration ou par osmose inverse peuvent être mis en œuvre au niveau des unités de production et de traitement de l’eau potable.  Leur coût tant en investissement qu’en exploitation se répercuteront sur le prix à venir de l’eau potable au niveau du consommateur.  Les responsables des collectivités chargées de la gestion de l’eau (FNCCR) évoquent un montant de plusieurs milliards d’euros pour mettre en place cette nouvelle filière de traitement de l’eau.

Quels sont les risques pour la santé ?
L’ARS Centre Val de Loire indique les éléments suivants :

  • Les effets sur la santé des pesticides sont surtout connus dans le cas d’intoxications professionnelles suite  à l’exposition accidentelle à un produit concentré. À de très fortes doses, l’intoxication dite ‘‘aiguë’’ se manifeste par des troubles nerveux, digestifs, respiratoires, cardio-vasculaires ou musculaires.
  • Concernant les effets chroniques (exposition longue mais à de faibles doses) de l’exposition à des pesticides, des études épidémiologiques récentes (Expertise de l’Inserm en 2021) ont mis en évidence une présomption de liens entre l’exposition aux pesticides et le risque d’apparition de certaines pathologies cancéreuses, neurologiques ou encore de troubles de la reproduction. Si ces études concernent majoritairement l’exposition en milieu professionnel, les mêmes effets peuvent être suspectés selon l’exposition en population générale.
  • L’eau ne constitue pas le seul apport de pesticides : sauf exception, la part attribuable à l’eau est très inférieure à celle présente dans les aliments. Des résidus de pesticides sont également présents dans l’alimentation (fruits, légumes, céréales et produits céréaliers) et dans l’air. »

L’ARS Centre val de Loire précise sur son site les pratiques en usage pour le contrôle de ces pesticides et  les valeurs limites prise en compte.
Voir ICI .

Quelles mesures prendre ?
Dans le cadre des Etats Généraux de l’eau conclus récemment en Eure-et-Loir, l’importance de la protection des aires d’alimentation de captage des eaux potables a été rappelée.
La question demeure de l’interdiction des pesticides dans les pratiques agricoles.
Mais le récent volte-face ministériel sur la procédure d’interdiction de l’herbicide S-métalochlore vient illustrer la complexité de ces débats.
Au nom de la « souveraineté alimentaire de la France » le gouvernement étudie l’arrêt de l’interdiction de l’herbicide S-métalochlore.  Cet argument souvent avancé dans les réunions consacrées à l’avenir de l’eau par le monde agricole est amplifié par le conflit russo-ukrainien actuel.

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