Plusieurs éléments peuvent apporter des explications à cette situation.
Depuis le manque de personnel qualifié, jusqu’à la faiblesse des aides, en passant par un système de redevance à revoir.
Un manque d’ingénierie
Avec la suppression totale en 2016 de l’aide en matière d’ingénierie apportée par les services de l’Etat, DDAF ou DDT, (connaissance de l’état des réseaux, programmation des travaux, maîtrise d’ouvrage,…), les collectivités doivent désormais recourir à des bureaux d’étude privés pour leurs projets de rénovation de réseau. Si les grandes et moyennes collectivités peuvent être en capacité de mobiliser en interne les moyens humains et financiers pour assurer la gestion de leur réseau, tel n’est pas le cas des plus petites collectivités dépourvues d’ingénieur(e)s spécialisé(e)s dans le domaine de l’eau et disposant de budgets plus limités.
A l’heure actuelle, la question du recrutement des agents techniques et autres cadres spécialisés se pose d’ailleurs de manière généralisée pour tous les gestionnaires de l’eau, privés comme publics, et vient impacter le bon avancement des projets.
Des moyens financiers insuffisants…
Les moyens financiers des collectivités gestionnaires de la ressource en eau peuvent s’avérer insuffisants pour faire face aux besoins de rénovation des réseaux : un kilomètre de réseau à rénover peut coûter jusqu’à 150 000€ ! A l’aune des petits budgets, il y a évidemment moins de capacité financière que pour les grands budgets. Cette capacité d’investissement est une variable importante pour le choix de l’échelle de gestion de l’eau potable. De même pour l’assainissement qui nécessite des mises en conformité environnementale nombreuses et souvent urgentes.
… liés en partie à une inéquité des redevances entre les catégories d’utilisateurs.
Quant aux aides financières, elles sont limitées également par la faiblesse du budget des agences de l’eau, à laquelle s’ajoute l’inéquité des contributions entre les différents acteurs. Alors que les utilisateurs de l’eau sont censés contribuer au financement en proportion des volumes qu’ils prélèvent dans le milieu naturel, l’agriculture ne contribue qu’à 8 % de la redevance prélèvement sur le secteur Seine-Normandie et 15% sur le secteur Loire-Bretagne, alors qu’elle représente l’essentiel des consommations nettes d’eau en été (80%) et 48% des consommations nettes en eau à l’année, au niveau national.
Mais le contexte de diminution de la ressource en eau rebat les cartes
Au cours des précédentes décennies, l’abondance de la ressource et la faible préoccupation de sa pérennité, ajoutées au coût important de remplacement des réseaux fuyants, ont fait passer au second plan la nécessité de renforcer l’étanchéité des réseaux d’eau potable. Mais la situation actuelle de diminution de la ressource rend les choses différentes. D’ailleurs, depuis de longues années, les départements où cette ressource était déjà très fragile ont de leur côté engagé des travaux leur permettant de limiter les fuites. C’est le cas notamment de certaines zones de l’ouest de la France.
La faiblesse des aides annoncées par rapport aux besoins
Dans le cadre du « plan Eau », l’Etat a bien évoqué le sujet des fuites d’eau, mais pour proposer des mesures bien faibles. Alors qu’en 2019, les experts demandaient déjà 2.5 à 3 milliards d’euros annuels, pour atteindre le 1% de renouvellement des réseaux, il a été annoncé 180 millions d’euros, ciblés sur les plus petites communes… Bref, une goutte d’eau ! Ces aides de 180 millions d’euros du « Plan Eau » ne représentent que 6% à 7% des budgets supplémentaires requis chaque année, par le biais d’une augmentation des redevances aux agences.
Un territoire de gestion de l’eau en évolution
Avec les évolutions de l’intercommunalité et le transfert de la gestion de l’eau et de l’assainissement aux communautés de communes ou d’agglomération, des projets ont pu être ajournés dans l’attente des état des lieux complets du territoire ; ce travail est en cours. Et des priorités seront définies sur chaque secteur. Mais le retard est bien là.
Pour l’UFC QUE CHOISIR 28, ces nouvelles échelles de gestion doivent être choisies par les communes de manière volontaire et solidaire et non imposées.
La population des zones concernées doit être associée et informée de ces processus qui concernent leur vie quotidienne. Une vigilance doit être aussi portée aux aspects tarifaires de l’eau au moment où le pouvoir d’achat des consommateurs est fortement réduit par la hausse du coût de la vie.