Depuis des années, malgré de multiples initiatives parlementaires l’UFC-Que Choisir milite pour la régulation de l’installation des praticiens libéraux, à travers notamment la publication de cartographies de l’accès géographique et financier aux soins depuis 2012.
Alors que les demandes de notre association étaient initialement peu partagées au sein de la classe politique, nous sommes tout de même parvenus à imposer, avec d’autres acteurs, le thème de la désertification médicale dans le débat public, et avons progressivement rallié de nombreux parlementaires à nos vues.
De multiples initiatives parlementaires mises en échec
Ainsi, les initiatives parlementaires visant à réguler l’installation sont de plus en plus fréquentes, que ce soit à travers le dépôt de nombreux amendements, ou de propositions de lois. Parmi les nombreuses tentatives qui ont échoué jusque-là, on peut citer :
– La proposition de loi du Député d’Eure-et-Loir Philippe Vigier de 2012, qui a été rejetée en commission.
– La proposition de loi du Député Alain Bruneel de 2019, qui n’a jamais été étudiée
– Sur le quinquennat 2017-2022, c’est un total de 28 propositions de loi qui ont été déposées à l’Assemblée nationale, et 7 au Sénat, afin de lutter contre les inégalités territoriales en matière d’accès à la médecine.
– La proposition de loi du Député Sébastien Jumel de 2022, qui n’a jamais été étudiée.
– La proposition de loi du Député Guillaume Garot déposée en janvier 2023, qui n’a toujours pas été étudiée non plus.. En effet, la présidence de l’Assemblée refuse d’inscrire à l’ordre du jour cette proposition de loi issue d’une initiative transpartisane, soutenue par l’UFC-Que Choisir et d’autres associations.
– Lors de l’examen de la proposition de loi du Député Frédéric Valletoux, une dizaine d’amendements visant la régulation de l’installation ont été déposés, qui n’ont pas recueilli la majorité des suffrages mais n’en sont pas passés très loin : le 24 octobre 2023 au Sénat, l’amendement proposant une expérimentation du conventionnement territorial tel que préconisé par l’UFC-Que Choisir a recueilli en séance 124 voix pour, et 188 contre.
D’autres professions médicales sont pourtant encadrées pour leur installation en France
Le Gouvernement, dans la lignée du discours des lobbies des médecins libéraux, ne cesse d’agiter de faux chiffons rouges, tels que la prétendue inefficacité d’une régulation de l’installation. Un pur élément de langage : une telle régulation est en place pour les infirmières, les sages-femmes et les kinésithérapeutes qui exercent en libéral, pour un bilan incontestable de hausse démographique de la profession (pas d’épuisement des vocations), et de réduction des inégalités territoriales. La régulation de l’installation a même été adoptée pour les dentistes cet été, alors qu’elle était déjà en place pour les pharmaciens.
Des mesures de fléchage du conventionnement des médecins vers les zones les moins dotées ont même déjà été mises en place en France : en Nouvelle-Calédonie en 1996, et en Polynésie en 2000.
Des exemples à l’étranger
A l’étranger, plusieurs pays encadrent l’installation : ainsi, en Autriche, les médecins conventionnés ne disposent pas de liberté d’installation, mais sont répartis en fonction des besoins des territoires . En Suisse, chaque canton a un quota de médecins conventionnés par spécialité. En Allemagne, il existe également un quota pour chaque circonscription médicale et pour chaque spécialité, où les nouvelles installations ne sont plus permises si le quota est dépassé de plus de 10 %. Au Royaume-Uni, seuls les médecins du secteur privé disposent de la liberté d’installation, et non ceux dépendant du NHS (National HealthService). Au Québec, un Plan régional d’effectifs médicaux conditionne l’installation de nouveaux médecins en fonction de la démographie de chaque zone
Dans ce paysage, les médecins français font de plus en plus figure d’exception, et leur liberté d’installation apparaît moins justifiable que jamais.
Face à la situation pire que jamais dépeinte dans cette étude, l’UFC-Que Choisir passe cette année à la vitesse supérieure, avec un recours au Conseil d’Etat, pour forcer les autorités à agir avant qu’il ne soit trop tard. (voir article)