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Fibre optique en Eure-et-Loir : où en est le déploiement sur le secteur d’Eure-et-Loir Numérique?

En 20213, la France a lancé le plan France Très Haut Débit, avec comme objectif le raccordement de 100% des foyers à la fibre FttH/B en 2025. Le taux de « couverture » dans l’Union Européenne (à 27) s’élève à 69% selon le récent bilan établi au niveau des instances européennes. Le taux de « raccordement » quant à lui atteint 54,5%, montrant un écart important entre la couverture du territoire et le raccordement effectif à la fibre optique. Dans cette dernière ligne droite des raccordements au réseau FTTH/B, les chantiers de déploiement restent encore nombreux pour parvenir à la complétude du réseau et les difficultés techniques de raccordement rejoignent parfois les problèmes liés à la sous-traitance et à la qualité des interventions.
Nous faisons le point avec le syndicat de collectivités appelé « Eure-et-Loir Numérique » pour la partie du territoire de l’Eure-et-Loir géré par ce syndicat en charge du déploiement de la fibre.

Petit lexique:
FTTh : fibre jusqu’à la maison
FTTb : fibre jusqu’au Bâtiment
ARCEP : Autorité de régulation des communications Electroniques, des postes et de la distribution de la Presse, autorité administrative indépendante française chargée de réguler les communications électroniques et postales et la distribution de la presse.
FAI : Fournisseur d’Accès Internet (ex Orange, Bouygues, SRF, Free, …)
ADSL : (Asymmetric Digital Subscriber Line) une technologie d’accès à internet s’appuyant sur les hautes fréquences de la ligne téléphonique pour transmettre des données numériques à très haute vitesse.  La fermeture définitive du réseau est programmée.
XP Fibre :XPFibre, anciennement SFR FTTH, est une entreprise française de télécommunications spécialisée dans le développement de la fibre optique.
zone AMII : Appel à Manifestation d’Intention d’Investissement, partie du territoire dans laquelle un ou plusieurs opérateurs privés ont manifesté leur intérêt pour déployer un réseau en fibre optique FTTH

Une situation complexe à lire pour l’abonné
Qui doit déployer la fibre optique dans le secteur où je réside ? A qui puis-je m’adresser pour avoir des infos ? Quel rôle joue mon fournisseur d’accès pour avoir la fibre ? Le consommateur est un peu perdu et cette difficulté s’accroît lorsque le raccordement semble rendu techniquement difficile, pour un problème de fourreau bouché, par exemple.
En avril 2023, nous avions déjà consacré un article à ce sujet pour le 28, que vous pourrez retrouver ICI , avec accès à une carte interactive pour bien connaître la situation de votre logement en matière de raccordement à la fibre.

 

Le dernier rapport de la Cour des Comptes pointe des « réseaux accidentogènes »
La récente publication du rapport de la Cour des Comptes « Les soutiens publics en faveur du développement optique » reprenant des éléments de l’ARCEP, indique que le département d’Eure-et-Loir présente « certains réseaux problématiques, fragilisés par des défauts de construction ».
Ces réseaux qualifiés d’« accidentogènes » sont localisés principalement, pour la métropole, en Île-de-France et dans certains départements comme le Rhône, le Calvados, la Haute-Savoie, l’Isère, le Tarn, les Bouches-du-Rhône, l’Eure-et-Loir.. »

Nous avons interrogé J. LEMARE Président du syndicat mixte Eure-et-Loir Numérique pour recueillir son analyse sur la situation de notre département dans la zone relevant de sa responsabilité (hors agglo de Chartres et Dreux).

QUESTIONS DE L’UFC QUE CHOISIR 28 ET REPONSES DE M. JACQUES LEMARE,
PRESIDENT DU SYNDICAT MIXTE EURE ET LOIR NUMERIQUE

(Crédits photographiques Eure-et-Loir Numérique)

– La situation du 28 en matière de raccordement à l’internet très haut débit se révèle favorable selon l’étude de l’UFC que Choisir. Comment expliquez-vous ces bons résultats ?

L’installation de la fibre optique a effectivement été généralisée en Eure-et-Loir avant la plupart des autres départements. C’est parce que très tôt, sur l’impulsion du Conseil départemental, les élus de tous bords et à tous niveaux (Région, communautés de communes et d’agglomération) ont décidé de prendre les choses en main pour ne pas laisser les trois quarts de l’Eure-et-Loir en attente du bon vouloir des opérateurs privés qui étaient alors chargés par l’État de déployer la fibre optique dans les communes urbaines. Dès 2011, le Conseil départemental d’Eure-et-Loir a approuvé à l’unanimité son schéma directeur prévoyant la construction d’un réseau fibre optique d’initiative publique, et n’a fait qu’accélérer son calendrier au fur et à mesure de la mise en œuvre du projet qui a reçu le soutien financier de la Région Centre-Val de Loire, de l’État, des Communautés de communes et d’agglomération, et de l’Union Européenne.

– Pouvez-vous nous indiquer le taux de locaux raccordés en E&L et le taux effectif de foyers ayant effectivement contracté un abonnement fibre auprès d’un FAI ?

En avril 2025, environ 96% des foyers et entreprises pouvaient souscrire un abonnement fibre optique, soit 257 680 sur un total d’environ 269 340. Ce taux varie en fonction des communes. Contrairement aux préjugés que peuvent avoir certains, la disponibilité de la fibre est plus importante dans les communes rurales (où de nombreuses communes sont éligibles à 100%) que dans les communes urbaines : au 31 décembre 2024, 88% seulement des logements et locaux professionnels de Chartres étaient éligibles à la fibre optique d’après les chiffres fournis par l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes).

En ce qui concerne le taux effectif de foyers qui ont contracté un abonnement fibre, nous ne disposons des chiffres que sur le réseau fibre optique appartenant à Eure-et-Loir Numérique : fin avril 2025, 66% des foyers éligibles étaient effectivement abonnés à la fibre. C’est un taux qui continue d’augmenter, et qui reste supérieur à celui que nous anticipions à cette date d’ancienneté du réseau lorsque nous avons lancé le projet.

– Notre étude UFC QUE CHOISIR  indique de nombreux dysfonctionnements liés à l’installation de la fibre chez l’abonné, ici ou  là, en France. Comment suivez-vous cette question dans le 28 au sein de votre syndicat ?  Quelle est la situation sur votre territoire ? Combien d’incidents de cette nature sont recensés? Quels sont vos moyens d’action en la matière ?

C’est un de nos sujets de préoccupation et de vigilance. D’une part, parce que nous n’avons pas investi des sommes importantes pour que le résultat soit dégradé, et également, parce que nos concitoyens et les entrepreneurs ont besoin de réseaux de communication performants, mais aussi de réseaux qui soient fiables !

Cependant, il faut tout d’abord souligner que les problèmes qui sont médiatisés au niveau national sont les plus extrêmes, et qu’ils ne reflètent pas la situation que nous constatons en Eure-et-Loir, qui est maîtrisée.

Opérationnellement, nous avons peu de moyens d’actions directs puisque les procédures pour les raccordements fibre optique sont définies au niveau national par l’ARCEP avec les opérateurs. L’ARCEP a demandé ces dernières années aux opérateurs de mettre en place de nouvelles mesures pour améliorer la qualité des raccordements et la formation des techniciens qu’envoient les fournisseurs d’accès Internet. Si des améliorations ont pu être constatées, la situation ne reste pas satisfaisante.

En complément, nous mettons en place localement, avec le délégataire de notre réseau, tous les moyens possibles de contrôle des techniciens chargés par les opérateurs commerciaux de faire les raccordements, et il nous arrive de demander à un opérateur de revenir pour refaire un raccordement fibre optique qui n’est pas conforme. C’est ce qui a permis que notre réseau reste fiable et que nous ne soyons que très rarement confrontés à des débranchements sauvages des autres abonnés lors d’un raccordement à la fibre optique.

Pour le suivi, nous utilisons également les indicateurs définis et publiés par l’ARCEP, même s’ils ne ciblent pas suffisamment, à mon avis, le sujet de la qualité des raccordements.

– Combien subsistera-t-il d’impossibilités techniques de raccordement effectif au réseau filaire optique dans votre zone de compétence et quels seront les moyens palliatifs proposés en lieu et place de la fibre ?

Les problèmes techniques de raccordement effectif à la fibre optique sont de plusieurs ordres :

  • quand il y a un fourreau bouché ou écrasé sur le domaine public : dans ce cas, le fournisseur d’accès Internet de l’habitant doit se rapprocher de l’opérateur propriétaire du réseau fibre optique qui doit gérer la réparation, éventuellement avec le propriétaire du fourreau,
  • quand il y a un fourreau bouché ou écrasé sur un terrain privé, ou pas de fourreau du tout sur un terrain privé (câble téléphone en pleine terre) : dans ce cas, c’est le propriétaire du terrain qui doit faire la réparation ou installer un nouveau fourreau. Cependant, si le fourreau d’une maison passe sous le terrain voisin via une servitude, c’est le bénéficiaire de la servitude qui doit faire la réparation, et remettre en état la propriété du voisin,
  • quand il n’y a pas de fourreau sous le domaine public (ni de poteau) car il n’y a jamais eu de ligne téléphonique dans le bâtiment, c’est au propriétaire de financer l’installation d’un fourreau sous le trottoir ou l’accotement jusqu’à la chambre souterrain telecom la plus proche, ou le poteau le plus proche. C’est le même principe que pour une construction neuve. Le propriétaire peut faire appel à une entreprise de terrassement en mesure de gérer toutes les autorisations nécessaires auprès du gestionnaire de voirie, ou faire appel à l’opérateur propriétaire du réseau fibre optique.
  • quand le câble téléphone est en pleine terre, il n’y a aucune infrastructure disponible pour faire passer la fibre optique. La question est de savoir qui réalise, et surtout qui finance, les mètres de tranchée nécessaires pour installer des fourreaux pour la fibre. Il y a des interprétations divergentes au niveau national, les opérateurs propriétaires des réseaux fibre optique expliquant que les coûts potentiellement importants de tels travaux n’ont été prévus nulle part dans les tarifs de commercialisation de la fibre auprès des fournisseurs d’accès Internet. Localement, il est parfois possible de trouver une solution de compromis au cas par cas quand la longueur concernée est réduite.
  • Ce sont donc les situations où le câble téléphone de raccordement est en pleine terre qui sont aujourd’hui celles où il y a une vraie impossibilité de faire le raccordement effectif à la fibre optique. Le nombre de cas est difficile à estimer car c’est souvent au moment du raccordement qu’on découvre le problème, les informations sur le réseau téléphonique existant n’étant pas forcément très précises pour les derniers mètres avant d’entrer sur les terrains privés. Sur le réseau d’Eure-et-Loir Numérique, nous avons eu connaissance d’à peine une dizaine de cas, mais cela peut varier en fonction des territoires.

– Quelle est votre position vis-à-vis de la proposition de loi du sénateur P. CHAIZE quant à la possibilité de garantir la qualité et la pérennité de la fibre optique déployée ?  

Je soutiens pleinement la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements fibre optique que le sénateur Patrick CHAIZE a déposée, et que le Sénat a approuvé au printemps 2023. J’avais d’ailleurs écrit à l’époque aux parlementaires euréliens pour solliciter leur soutien. Malheureusement, cette proposition de loi n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale, alors qu’elle me paraît toujours aussi nécessaire.

– Quel est le rôle effectif de l’ARCEP dans le contrôle du déploiement opéré sur votre secteur ?

L’ARCEP a d’abord défini un certain nombre de règles qui doivent être remplies lors de la construction initiale du réseau fibre optique.

Ensuite, l’ARCEP contrôle l’avancement et la complétude des déploiements réalisés par les opérateurs d’infrastructure fibre optique, en fonction des engagements qu’ils ont pris auprès de l’État.

En complément du sujet des raccordements déjà évoqués, l’ARCEP impose aux opérateurs propriétaires des réseaux fibre optique de lui fournir des indicateurs mensuels et trimestriels de qualité de service. Ces indicateurs incluent le nombre de coupures de service, les délais de rétablissement, ou les échecs raccordements par exemples.

Ces indicateurs sont analysés par l’ARCEP qui les publie sur son site Internet : c’est ainsi que nous pouvons suivre les évolutions de la qualité de service sur les réseaux fibre optique en Eure-et-Loir, et que nous avons notamment saisi XP Fibre lorsque le taux d’incidents sur leur réseau fibre en secteur rural a augmenté, afin qu’ils mettent en œuvre des actions correctives.

– Quel est le bilan financier global du déploiement de la fibre optique dans le 28 pour votre zone, ramené à l’habitant, toutes dépenses confondues, depuis la création de votre syndicat? Avec quelle répartition entre financeurs?

Je dois d’abord préciser que nous disposons des coûts de déploiement de la fibre optique uniquement sur le réseau d’initiative publique : les opérateurs privés n’ont pas dévoilé les montants précis de leurs investissements.

Pour le réseau fibre optique à l’abonné (FttH), celui qui dessert chaque maison et chaque entreprise, le coût total a été de 86 M€ entre 2013 et 2021, pour environ 100 000 foyers et locaux professionnels.

D’autres investissements avaient été menés, avec des fibres optiques destinées à booster les débits ADSL en 2013-2017 pour 140 villages qui n’avaient pas ou très peu de débit Internet, en attendant l’arrivée du FttH, ainsi que le déploiement en parallèle de la fibre optique sur 60 zones d’activités d’Eure-et-Loir, ainsi que pour de grands équipements publics comme les hôpitaux, collèges et lycées en dehors de Chartres et Dreux. Ces déploiements complémentaires ont représenté un investissement de 47 M€. Je tiens à indiquer que le montant final de ces investissements a été inférieur à ce qui était prévu à l’origine : c’est suffisamment rare pour des projets d’une telle ampleur pour être souligné.

Ces investissements publics très importants pour notre territoire, et bénéficiant aux communes rurales, ont été réalisés grâce aux financements du Conseil départemental d’Eure-et-Loir à hauteur de 39 M€, de la Région Centre-Val de Loire à hauteur de 29 M€, de l’État à hauteur de 34 M€, des Communautés de communes et d’agglomération à hauteur de 25 M€ et de l’Union Européenne à hauteur de 6 M€.

– Les opérateurs privés vont devoir parvenir à équiper 100% des locaux en zone AMII. Cet objectif semble complexe à atteindre. Quelles seraient selon vous les dispositions législatives et financières permettant d’arriver à cette complétude.

Il est essentiel que la totalité des Euréliens aient accès à une connexion Internet performante et de qualité que permet la fibre optique, quel que soit l’endroit où ils habitent ou travaillent. C’est un principe que je rappelle dès que j’en ai l’occasion aux dirigeants des opérateurs privés qui déploient la fibre optique en Eure-et-Loir.

Avant d’instaurer de nouvelles règles ou lois pour, si nécessaire, contraindre les opérateurs privés, il faudrait déjà appliquer ce qui existe. Ainsi, l’ARCEP a très justement infligé une sanction financière à Orange en 2023 pour les retards de déploiement de cet opérateur en zone AMII. Mais le gouvernement d’alors accordait quelques jours plus tard un nouveau délai supplémentaire à cet opérateur pour atteindre la complétude…

Je pense qu’en matière d’aménagement du territoire, il faut savoir prendre en compte les contraintes et réalités du terrain, mais aussi avoir une vision de long terme déterminée et faire preuve de constance : ce sont des conditions indispensables pour réussir.

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