L’UFC QUE CHOISIR 28 siège au sein de la commission de conciliation logement où ses représentants sont amenés à analyser différents litiges entre des locataires et des bailleurs. Parmi ces litiges figurent en bonne place, les différends liés à la restitution du dépôt de garantie au motif de réparations locatives que le bailleur oppose au locataire. Les notions de réparations locatives à la charge du locataire sont souvent rappelées et l’usage d’une grille de vétuste peut apporter des éléments pour répartir les charges entre les propriétaires et les bailleurs lorsque le logement est libéré.
Définitions et principes légaux
- Définitions : « vétusté » ou « dégradation locative »
- La vétusté c’est l’usure normale, due au temps ou à l’usage normal du logement ou des équipements, sans faute du locataire.
- Des dégradations locatives ce sont des dommages imputables au locataire, par manque d’entretien, négligence, usage anormal, etc.
- Obligations légales
- Le locataire est tenu d’effectuer des réparations locatives (petites réparations, entretien courant) mais pas des réparations dues à la vétusté ou à la force majeure. Attention, en signant un contrat de location, le locataire s’enge à effectuer lui-même, ou à ses frais, une liste non négligeable de petites réparations ou d’actions d’entretien.
Voir ICI la nature de ces petites réparations ou actions d’entretien et leur répartition entre locataire et propriétaire (document non exhaustif). - Le propriétaire doit garantir un logement décent, faire les réparations autres que celles locatives, et supporter les réparations dues à la vétusté
- Le locataire est tenu d’effectuer des réparations locatives (petites réparations, entretien courant) mais pas des réparations dues à la vétusté ou à la force majeure. Attention, en signant un contrat de location, le locataire s’enge à effectuer lui-même, ou à ses frais, une liste non négligeable de petites réparations ou d’actions d’entretien.
- Quelle réglementation est appliquée en matière d’état des lieux ?
Décret et loi ALUR sont les textes de référence.- Le décret n° 2016-382 du 30 mars 2016 a modifié les modalités pour les états des lieux (entrée / sortie) et la prise en compte de la vétusté
- La loi du 6 juillet 1989 (et ses modifications, notamment par la loi ALUR) contient des articles qui imposent que la vétusté soit prise en compte pour déterminer les frais dus par le locataire à la sortie.
La grille de vétusté : à quoi ça sert ?
- Son contenu
- La grille de vétusté précise pour divers équipements ou matériaux du logement (peinture, revêtement de sol, sanitaires, électroménager, branchements, etc.) une durée de vie théorique. Elle associe un coefficient d’abattement annuel, c’est-à-dire un pourcentage de diminution de la valeur « neuve » de l’élément par année d’usage, pour tenir compte de la vétusté.
- Son usage
- Elle sert de référence lorsqu’on fait l’état des lieux de sortie pour évaluer dans quelle mesure le locataire est redevable de réparations ou de remplacement d’un élément. En gros : si le bien est vieux ou déjà très usé à l’entrée, le locataire ne peut pas être tenu de restituer quelque chose à neuf.
- Elle permet une répartition équitable des coûts selon l’âge et l’usure de l’élément. Par exemple, si un revêtement de sol a une durée de vie de 10 ans et qu’il a été utilisé pendant 8 ans, le locataire pourrait être responsable non pas des 100 % du coût, mais d’une fraction (coefficient) de ce coût.
- Comment la met-on en place ?
- La grille doit être convenue entre bailleur et locataire ou issue d’un accord collectif. On peut l’annexer au bail.
- Il n’existe pas de grille de vétusté universelle imposée par la loi pour tous les logements. Les grilles sont souvent élaborées dans le secteur social ou par des bailleurs institutionnels, ou des collectivités, ou via des ADIL
- Existe-t-il une obligation d’utiliser une grille ?
- Non, la loi n’oblige pas le bailleur à annexer une grille de vétusté au bail. Mais la loi oblige à ce que la vétusté soit prise en compte quand on réclame des réparations locatives.
Donc, en l’absence de grille écrite, c’est l’évaluation au cas par cas, avec preuves, états des lieux entrée/sortie, âge des équipements, etc.
- Non, la loi n’oblige pas le bailleur à annexer une grille de vétusté au bail. Mais la loi oblige à ce que la vétusté soit prise en compte quand on réclame des réparations locatives.
Que se passe-t-il quand le locataire met fin au bail et quitte le logement?
Quand un locataire donne congé, plusieurs étapes sont importantes, et la grille de vétusté peut jouer un rôle dans le litige au moment de l’état des lieux de sortie :
- États des lieux d’entrée et de sortie
- Comparaison des deux, pour repérer ce qui a changé. Si l’état d’entrée mentionne déjà des défauts, des usures, cela sert de référence.
- Si la grille de vétusté était annexée, l’état des lieux d’entrée peut se référer explicitement à l’état de l’élément au moment d’entrée, et l’âge de cet élément. Cela facilite le calcul de la part due par le locataire (par exemple, la part restante de durée de vie).
- Calcul de la charge financière
- Si des réparations sont nécessaires, on identifie si ce sont des réparations locatives (à la charge du locataire) ou des réparations relevant de la vétusté/ou du propriétaire.
- Si la grille existe, on applique l’abattement correspondant selon l’âge de l’élément. Exemple : un équipement avec durée de vie 10 ans, après 8 ans, on applique 80 % du coût si la grille le prévoit, ou selon coefficient. Si durée dépassée, la valeur résiduelle peut tomber à zéro : le locataire ne paie presque rien pour la vétusté au-delà de la durée de vie.
- Litiges fréquents
- Désaccord sur l’état d’entrée (description imprécise, photos manquantes) : le locataire peut contester qu’un défaut existait déjà.
- Désaccord sur la durée de vie retenue ou le coefficient d’abattement : si la grille annexée est peu claire, ou si l’équipement n’est pas de même qualité que ce qui est décrit dans la grille.
- Contestation de la notion de vétusté quand il s’agit finalement d’une dégradation imputable à la négligence, d’un mauvais usage, etc.
- Retenue sur le dépôt de garantie trop élevée, non justifiée, sans devis ou factures, ou démonstration claire de ce qui est dû à la vétusté vs ce qui est dû à des dégradations.
- Preuves et charge de la preuve
- Le propriétaire qui réclame des frais doit justifier que le dommage n’est pas dû uniquement à la vétusté ou à l’usure normale. Il doit prouver la part qui serait due au locataire.
- Le locataire, pour contester des retenues, peut produire les états des lieux d’entrée, photos, devis, éventuellement des expertises.
Limites, difficultés et ce qu’il faut surveiller
- Absence de grille ou grille mal adaptée
- Si aucune grille n’a été annexée au bail, le calcul devient plus vague, finalement ce sera à l’appréciation d’un juge ou d’une commission de conciliation selon les preuves apportées par chacun des parties.
- Les grilles existantes diffèrent beaucoup selon les bailleurs: qualité des équipements, contexte local, …
Une grille standard peut ne pas convenir si l’équipement était de qualité supérieure, ou si le logement a été rénové entre-temps.
- Durée de vie théorique contestable
- Ce sont des estimations (parfois forfaitaires). Le locataire peut contester que l’équipement ait tenu ou aurait dû tenir tant d’années selon son usage, la qualité initiale, l’entretien, etc.
- État des lieux mal fait
- Si l’état des lieux d’entrée est insuffisamment précis, s’il manque de photos ou description claire, le locataire peut se trouver désavantagé.
- Interprétation judiciaire
- Les tribunaux peuvent avoir des jurisprudences différentes selon les régions, la nature du bail (vide / meublé), la nature des éléments retenus, etc.
- Conflit avec obligation de logement décent
- Si un logement est devenu indécent ou non conforme, la vétusté excessive ou un défaut d’entretien structurel peut engager la responsabilité du propriétaire indépendamment d’une grille de vétusté.
En résumé : que retenir
- La grille de vétusté est un outil utile pour anticiper les désaccords, simplifier l’évaluation de ce que le locataire doit au moment de réparer ou de remplacer un élément, en fonction de son âge et de son usage.
- Elle n’est pas obligatoire, mais elle doit être prise en compte si annexée, et la loi exige de toute façon que la vétusté soit reconnue dans les cas appropriés.
- En fin de bail / sortie avec congé, c’est l’état des lieux de sortie, comparé à l’état d’entrée, qui permet de distinguer ce qui est dû au locataire et ce qui relève de la vétusté.
- Pour limiter les litiges : bien documenter l’état d’entrée (photos, description précise), utiliser une grille claire le cas échéant, demander devis / factures pour justifier ce qui est demandé, s’appuyer sur les textes comme le décret 2016-382, la loi de 1989 + ALUR.
REMARQUES
Selon l’UNPI (Union Nationale des propriétaires Immobiliers) , pour estimer la durée de vie d’un équipement, le point de départ à prendre en compte n’est pas la date d’entrée du locataire dans les lieux, mais celle de l’installation de l’équipement, ou de sa dernière réfection.
Par ailleurs, une franchise peut être appliquée pour certains équipements qui ne subissent pas d’altération au cours de leurs premières années d’utilisation. Les coefficients de vétusté s’appliquent alors au-delà de ce temps de franchise.
Les locataires amenés à témoigner de leurs dossiers devant la commission de conciliation logement font parfois état de leur difficulté à suivre de manière précise les indications portées sur les états des lieux quand il est fait usage d’une tablette électronique avec des mentions préremplies ou non. Tout défile très rapidement. Prenez votre temps et exigez du professionnel qu’il vous présente de manière détaillée et précise ce qu’il indique sur le formulaire numérisé.
Un même évaluateur pouvant être amené à suivre un parc de logements pour lesquels il a déjà pratiqué des évaluations antérieures. Ne vous laissez pas impressionner !
5 EXEMPLES DE MISE EN OEUVRE DE LA VETUSTE POUR TRAITER DES LITIGES
A partir d’une grille type, voici quelques exemples chiffrés pour illustrer comment la répartition entre vétusté et dégradation locative s’applique.
Grille de vétusté type (inspirée des modèles utilisés dans le parc social)
ÉLÉMENT | Durée de vie théorique | Abattement annuel | Valeur résiduelle après X ans |
Peinture murs/plafonds | 7 ans | 15 %/an | 0 % à partir de la 7ᵉ année |
Revêtement de sol (PVC, moquette) | 10 ans | 10 %/an | 0 % à partir de la 10ᵉ année |
Revêtement carrelé | 20 ans | 5 %/an | 0 % à partir de la 20ᵉ année |
Porte intérieure | 15 ans | 6,5 %/an | 0 % à partir de la 15ᵉ année |
Fenêtres / volets | 25 ans | 4 %/an | 0 % à partir de la 25ᵉ année |
Électroménager (logement meublé) | 8 ans | 12,5 %/an | 0 % à partir de la 8ᵉ année |
Chauffe-eau électrique | 10 ans | 10 %/an | 0 % à partir de la 10ᵉ année |
Remarque : ces chiffres sont indicatifs et chaque bailleur peut avoir sa propre grille, et l’important est que locataire et propriétaire s’accordent dessus ou que la grille soit annexée au bail.
Exemple 1. Peinture abimée après 6 ans d’occupation
- Durée de vie théorique : 7 ans
Coût du rafraîchissement complet : 900 €
Temps d’occupation du locataire : 6 ans - Abattement pour vétusté : 6 ans × 15 % = 90 %
Valeur résiduelle = 10 % de la valeur neuve = 90 €
Donc :
- Si la peinture est simplement ternie ou un peu usée, il s’agit d’une usure normale, pas de frais pour le locataire.
- Si le mur est volontairement dégradé (graffitis, trous, fissures non rebouchées), on peut retenir la valeur résiduelle environ 90 €, mais pas les 900 €.
- Au-delà de 7 ans il y aura zéro € pour le locataire, car tout relève de la vétusté.
Exemple 2. Moquette brûlée après 8 ans
- Durée de vie théorique : 10 ans
Coût remplacement : 1 200 €
Ancienneté : 8 ans - Abattement = 8 × 10 % = 80 %
Valeur résiduelle = 20 % = 240 €
Si la moquette est simplement usée, il n’y a aucun remboursement.
Si elle est dégradée par brûlures, alors le locataire peut être redevable au maximum de 240 €, mais pas de la totalité.
Exemple 3. Chauffe-eau en panne après 9 ans
- Durée de vie théorique : 10 ans
Coût remplacement : 800 €
Ancienneté : 9 ans - Abattement = 9 × 10 % = 90 %
Valeur résiduelle = 10 % = 80 €
Si la panne provient de la vétusté (résistance usée, corrosion, …), c’est à la charge du propriétaire.
Si la panne résulte d’une mauvaise utilisation, (pas d’entretien, entartrage par absence de vidange), le locataire pourrait être redevable d’une part. Par exemple, les 80 € de valeur résiduelle, voire plus selon la preuve d’une faute).
Exemple 4. Volet cassé après 12 ans
- Durée de vie théorique : 25 ans
- Abattement : 12 × 4 % = 48 %
Valeur résiduelle = 52 %
Si le volet est cassé par accident imputable au locataire, le bailleur peut lui réclamer environ 52 % du coût du remplacement, mais pas la totalité.
Si la casse est liée à la vétusté (mécanisme rouillé, bois fragilisé), alors c’est à la charge du propriétaire.
Exemple 5. Cas d’un litige
Situation réelle inspirée d’un dossier traité par la Commission Départementale de Conciliation :
– Un propriétaire retient 700 € sur le dépôt de garantie pour repeindre un séjour.
– L’état des lieux d’entrée montrait déjà des murs jaunis.
– Le locataire avait occupé les lieux 5 ans, peinture estimée à 7 ans de durée de vie.
La commission a appliqué la grille convenue (15 %/an) :
5 × 15 % = 75 % de vétusté soit une valeur résiduelle de 25 %.
Sur 700 €, le locataire devait donc au maximum 175 €, et la retenue a été réduite en conséquence.