En lien avec les préoccupations écologiques, les réflexions autour de nouvelles pratiques telles que le compost, la crémation par l’eau, la congélation du corps émergent actuellement. Ces nouvelles pratiques funéraires, pour l’instant illégales en France, sont autorisées ou expérimentées dans d’autres pays. Qu’en est-il ?
Une étude consacrée aux obsèques vient d’être réalisée en mai 2024 par le CREDOC pour la CSNAF
Le CREDOC, Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie est un organisme d’études et de recherche au service des acteurs de la vie économique et sociale. Il a réalisé ce travail sur le thème des français et des obsèques à la demande de la Chambre Syndicale Nationale des Arts Funéraires(CSNAF) constituant ainsi la 6e édition du baromètre CSNAF-CREDOC.
La Chambre Syndicale Nationale des Arts Funéraires(CSNAF) a quant à elle pour vocation d’agir afin d’assurer la pérennité des Arts Funéraires. Elle fédère les principales entreprises fournisseurs de la filière funéraire française : caveaux, cercueils, capitons, urnes, compositions florales, plaques funéraires, papeterie, équipements techniques, consommables, services et prestations, …
Cette 6ème édition aborde notamment des questions sur les attentes environnementales » en matière d’obsèques.
Desmond Tutu, un message planétaire
Lors des obsèques de l’archevêque anglican Desmond Tutu, le 1er janvier 2022, l’opinion publique internationale a découvert que le Prix Nobel de la paix avait fait le choix d’une pratique funéraire peu connue, l’aquamation, une alternative où le corps est décomposé dans l’eau par hydrolyse, et non par le feu comme dans le cas d’une crémation.
En choisissant cette technique encore méconnue et tolérée en Afrique du Sud, Desmond Tutu mettait en accord ses convictions écologiques et ses choix funéraires.
Le public méconnait les méthodes alternatives à l’inhumation et la crémation
En France, seules les pratiques de l’inhumation et de la crémation sont autorisées en matière d’obsèques.
Peu de méthodes alternatives sont connues par le grand public et 83% des répondants interrogés par le CREDOC ne savent pas citer spontanément une seule méthode alternative à la crémation et l’inhumation.
Même en leur précisant les noms de certaines méthodes alternatives, entre 3% et 10% seulement des interrogés déclarent en avoir déjà entendu parler.
Un intérêt écologique qui émerge pour l’humusation ou la terramation
Malgré cette connaissance limitée, l’étude réalisée pointe l’intérêt qui commence à émerger pour des techniques d’obsèques écologiques alternatives. Un Français sur cinq serait tenté par l’humusation ou la terramation.
Dans une moindre mesure, plus d’un Français sur dix pourrait envisager l’aquamation ou la promession dans le cadre de ses obsèques.
En quoi consiste l’humusation
L’humusation consiste à transformer le corps en compost. C’est une méthode inspirée du compostage des déchets organiques. Le corps est placé dans un récipient rempli de matériaux organiques comme des copeaux de bois, et des conditions sont créées pour accélérer la décomposition naturelle dans un sol riche en nutriments. Après quelques semaines, le corps est transformé en terreau fertile, qui peut ensuite être utilisé pour nourrir la terre. C’est une option populaire parmi ceux qui souhaitent un retour à la nature dans une approche circulaire de la mort. Un retour à la terre en quelque sorte!
Seul 1 français sur 5 pourrait être tenté par l’humusation
20% des répondants se déclarent prêts à avoir recours à ce type de solution pour leurs obsèques. 25% chez les hommes.
28% des 40 – 49 ans s’y montrent favorables contre 6% chez les 80 ans et plus.
Mais près des ¾ d’entre eux se déclarent défavorables au recours à cette méthode, cette proportion atteignant même 79% chez les femmes et 84% chez les 80 ans et plus.
Et la terramation ?
Le processus de terramation imite et accélère la décomposition naturelle d’un corps dans des conditions spécifiques, similaires à celles du compostage traditionnel. Voici les grandes étapes :
- Placement du corps dans un récipient : le corps est placé dans un conteneur spécialement conçu pour favoriser la décomposition. Ce conteneur est généralement rempli de matériaux organiques comme des copeaux de bois, de la paille, et de la luzerne, qui aident à créer des conditions favorables à la décomposition.
- Aération et humidité : le récipient est maintenu dans des conditions optimales de température, d’humidité, et d’aération pour favoriser le travail des micro-organismes et des bactéries naturellement présents. Ces conditions permettent au corps de se décomposer progressivement et de se transformer en matière organique.
- Décomposition contrôlée : le processus prend généralement entre 30 et 45 jours. Pendant ce temps, les micro-organismes décomposent le corps, tout en dégageant de la chaleur. À la fin de cette période, les os restants sont broyés pour être réintégrés dans le sol.
- Transformation en terreau : le corps se décompose entièrement en sol fertile, qui peut être utilisé pour enrichir la terre, dans des jardins ou des espaces naturels. Ce terreau, issu du processus de compostage, est stable et sans danger, et il est riche en nutriments bénéfiques pour les plantes.
Et l’aquamation ?
Dans le cadre de cette étude, la définition suivante de l’aquamation a été proposée : « l’aquamation consiste à plonger le corps dans de l’eau chaude agitée et contenant des agents facilitant la dissolution et l’élimination des chairs, puis les os sont réduits en poudre. Ce processus peut durer entre 6 et 12 heures. »
Cette méthode consiste donc à décomposer le corps à l’aide d’eau chaude et d’hydroxyde de potassium ou de sodium, plutôt que par le feu. Ce procédé est souvent présenté comme une option plus respectueuse de l’environnement par rapport à la crémation traditionnelle, car il génère moins d’émissions de gaz à effet de serre et utilise moins d’énergie.
Pour la « promession »
Une définition a été proposée aux personnes enquêtées, à savoir : « la promession consiste à plonger le corps dans de l’azote liquide à très basse température, après l’avoir congelé pendant plusieurs jours. Le corps est placé sur une table vibrante pour le fragmenter et le transformer en poudre cristalline fine grâce à un système de déshydratation. Ce processus dure au total 10 jours. »
Une tolérance pour des pratiques nouvelles
La majorité des personnes interrogées se montre tolérante envers l’adoption de ces techniques alternatives pour un proche.
53% des répondants seraient tolérants envers le choix de ces méthodes alternatives par leur proche et 12% des 40-49 ans soulignent la dimension innovante de ces processus.
Plus de la moitié des Français apprécie ces méthodes pour leur impact écologique et souligne un potentiel changement progressif dans les attitudes envers les pratiques funéraires traditionnelles. Mais seul près d’un français sur 10 pourrait envisager l’aquamation ou la promession pour ses obsèques.
60% des répondants considèrent que ce recours à des techniques alternatives « s’inscrit dans l’évolution de la société », cette proportion s’élevant à 70% chez les 40-49 ans.
Des pratiques funéraires très réglementées
La législation française en matière de traitement des corps après la mort est très stricte et ne permet pas encore des méthodes alternatives comme l’humusation. Le Code général des collectivités territoriales encadre les pratiques autorisées et les autorités françaises sont particulièrement prudentes lorsqu’il s’agit de modifier les lois liées à la gestion des corps, en raison des questions de santé publique et de dignité humaine.
Le manque de cadre scientifique
Sans base solide validée pour démontrer qu’elle est à la fois écologique et sans risque le développement des pratiques de l’humusation ne se développe pas. Sans données scientifiques robustes issues d’expérimentations à grande échelle en France, les autorités sont peu enclines à autoriser cette méthode. De plus, l’absence de sites expérimentaux spécifiques limite les possibilités de valider le processus dans un cadre légal.
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