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Déconventionnement de médecins généralistes : colère et incompréhension locales

L’accès aux soins devient de plus en plus difficile. En 2024, 6 millions de Français vivent dans un désert médical (zones avec moins de 2,5 médecins pour 10 000 habitants).  87 % du territoire est classé en désert médical. Plus de 700 communes n’ont plus aucun médecin généraliste. Le délai moyen pour un rendez-vous en médecine générale dépasse parfois 15 jours, voire plus d’un mois dans certaines zones rurales ou périurbaines.
Ici et là, diverses politiques d’aide à l’installation des médecins ont été engagées par les collectivités. Mais tout ne se déroule pas forcément comme prévu, ainsi que l’illustre la situation de la commune de Compans, en Seine-et-Marne, où deux médecins viennent de décider de se « déconventionner ».

En quoi consiste le « déconventionnement » d’un médecin ?
Le déconventionnement d’un médecin (c’est-à-dire le fait de ne plus être lié par une convention avec l’Assurance Maladie) a des conséquences importantes à la fois pour le médecin, ses patients, et le système de soins.
Un médecin « déconventionné » n’est plus lié par les tarifs fixés par la Sécurité sociale. Il exerce en secteur 3, totalement hors du cadre conventionnel. Cela signifie :

  • Que le médecin fixe librement ses honoraires.
  • Que les patients ne sont plus remboursés, ou seulement très faiblement. En effet, les patients ne sont remboursés que 0,61 € à 1,50 € (part Sécurité sociale hors convention), tarifs établis sur la base d’un tarif dit « d’autorité » très faible et bien inférieur à celui des secteurs 1 et 2 (70% du tarif).
  • Que le patient paie la totalité de la consultation, parfois entre 50 € et 150 € ou plus.
  • Alors que la plupart des mutuelles ne remboursent rien, ou très peu, en secteur 3.

Il existe donc un risque accru de renoncement aux soins chez les patients modestes.

Une procédure légale
Le déconventionnement est légal, mais il est administrativement encadré. Il doit être déclaré à la CPAM, avec un préavis d’un mois.  Une fois effectué, il est très difficile de revenir en arrière : reconventionnement difficile, soumis à quotas ou refus possible.

Les motivations des médecins qui déconventionnent
Elles sont multiples et s’appuient souvent sur la remise en cause du système actuel :

  • Tarifs de consultation.
  • Charge administrative croissante.
  • Non-reconnaissance de leur travail (surtout en médecine générale).
  • Pression des ARS, CNAM, ou du gouvernement.

Interrogé par BFM Business en 2023, Jérôme Marty, médecin généraliste et alors Secrétaire général de l’UFMLS déclarait : « Ce système est en bout de vie. Les médecins sont épuisés et on nous demande d’en faire toujours plus alors que nous sommes déjà à 55 heures par semaine. Ce n’est pas possible, comment attirer les jeunes médecins avec ça? »

« La Sécu a fait main basse sur notre pratique. » déclarait de son côté, un généraliste en décembre 2024 au quotidien régional « la Montagne».  « La nouvelle convention vise à nous mettre au rendement : il manque des médecins, donc nous devons prendre plus de patients. »  Il décrivait les conséquences : « nous étions déjà débordés, à force de réduire la durée de la consultation, nous n’avons même plus le temps de les examiner. Un patient, c’est désormais un seul motif de consultation », se désolent les médecins. Alors que « nous sommes là pour prendre soin, écouter, accompagner, globaliser le patient. Nous sommes des conseillers de vie. C’est ce qui fait la beauté de notre métier. Eh bien cela, c’est terminé.»

Une sénatrice questionne le gouvernement.
Le 19 juin dernier, la sénatrice M MARGATE, devant le Sénat interpelait le Gouvernement : la commune de Compans dans le département de Seine-et-Marne, a attribué de nombreuses aides aux médecins qui y exercent, rappelait-elle.
Elle précisait  les actions entreprises par la collectivité au bénéfice de l’accès aux soins sur ce territoire avec la « mise à disposition d’un cabinet aménagé à loyer très modéré : le montant du loyer mensuel du cabinet médical était, en 2014, à l’installation, de 150 euros par mois. Il a été révisé en 2020 en accord avec les médecins et est actuellement de 944 euros. La location comprend une surface de 100 m2 aménagée avec 3 bureaux, 1 salle d’attente, 1 wc, 1 cuisine, 1 box de 17 m2 , 2 places de parking, 1 ascenseur.) Or, ces médecins viennent de décider sans prévenir de passer en secteur 3 dès le 14 juillet 2025, avec des consultations à 60 euros, remboursées… 61 centimes ! Il est à noter que Compans est un village situé dans un territoire où prédominent les classes populaires, qui ne pourront pas faire face à ces dépenses ».

Les élus locaux de Compans en colère.
« J’étais dans une très grande colère, on est abandonnés
 » indique pour sa part Joël Marion le maire de la commune au quotidien « La Marne ». Le journal rappelle que Joël Marion n’est pas le seul à en avoir été informé. Tous les patients du cabinet médical de la commune ont reçu le même mail, précisant que le passage en secteur 3 des médecins sera effectif à partir du 14 juillet.

Une pétition de soutien aux patients du cabinet de santé est alors lancée par la commune et ses élus qui s’interrogent :
– « Cette situation, si elle venait à perdurer, entraînerait de nombreuses difficultés pour les patients et habitants de Compans, qui pourraient ne plus pouvoir se soigner.

– Combien pourraient s’acquitter d’un coût de consultation non conventionné de 60 euros remboursé à 61 centimes ? »

Le texte de cette pétition est accessible ICI.

Les élus sollicitent une réunion pour sortir de cette crise
Face à cette situation, les élus de cette commune se mobilisent et proposent une réunion quadripartite avec les différents partenaires concernés : sécurité sociale, agence régionale de santé, conseil municipal et médecins de Compans, en vue de sortir de cette crise jugée préjudiciable pour la population.

Une patientèle qui n’a guère de choix
Avec le manque de médecins, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les solutions qui vont s’offrir aux patients confrontés à une hause tarifaire de la consultation sans remboursement réel. A quel généraliste pourront ils s’adresser?  Cette situation ne peut qu’accroître l’incompréhension entre les patients et les médecins généralistes qui s’engagent dans ces déconventionnements.

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