Les arbres font partie de notre patrimoine et agrémentent nos espaces privés comme publics. Mais ils peuvent être aussi à la source de conflits de voisinage. Branches d’arbres du voisin qui débordent au-dessus de votre toiture, gouttières encombrées de feuilles, privation d’ensoleillement, … En France, les règles concernant l’implantation, l’élagage ou l’abattage des végétaux sont définies principalement sur la base du Code civil, notamment les articles 671 à 673. Comme souvent, des exceptions s’appliquent et des conditions particulières sont requises, et l’arbre peut parfois cacher la forêt. Comment procéder pour apporter une solution à ce type de conflit ?
Branches qui dépassent chez vous
Article 673 du Code civil : vous ne pouvez pas couper vous-même les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux qui dépassent sur votre propriété. Vous devez demander à votre voisin de les couper. Il a l’obligation légale de le faire à votre demande.
S’il refuse ou ne le fait pas dans un délai raisonnable, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire pour l’y contraindre, mais il y a des étapes préalables (lire plus loin).
Exception pour les racines, ronces et brindilles
Vous pouvez les couper vous-même à la limite de votre propriété, toujours selon l’article 673.
Hauteur et distance des plantations
C’est l’Article 671 du Code civil qui fixe les règles dans le cas où aucune règle (règlement de lotissement, PLU, etc.) ne s’applique localement:
Pour résumer, il y a trois zones différentes
- zone 1 : depuis la limite séparative jusqu’à 50 centimètres : les plantations y sont strictement interdites.
- zone 2 : de 50 centimètres à 2 mètres de la propriété voisine : les plantations doivent être inférieures à 2 mètres de hauteur
- zone 3 : au-delà des 2 mètres, les plantations peuvent dépasser 2 mètres, sous réserve de l’application des articles 1253 et 1240 du Code civil.
Un arbre ou une haie plantée à moins de 2 mètres de la limite de propriété ne doit pas dépasser 2 mètres de hauteur si l’arbre est planté à plus de 2 mètres, il peut dépasser cette hauteur.
Les règles régissant la distance des plantations par rapport aux limites de propriété figurent aux articles 671, 672 et 673 du Code civil.
Calcul des distances
La distance se calcule depuis la limite séparative entre les parcelles concernées jusqu’à l’axe médian du tronc. On ne prend pas la mesure à partir de son écorce, mais de son axe vertical central.
Nécessité d’élagage et prescription trentenaire
L’article 673 du Code civil peut contraindre le propriétaire des arbres à couper les branches qui dépassent chez son voisin.
L’âge de l’arbre ne peut être opposable à cet élagage. Mais le voisin ne peut pas le faire lui-même.
La prescription trentenaire ne peut être opposée à l’élagage quand il est nécessaire. Des branches qui surplombent chez le voisin depuis 30 ans ne peuvent pas échapper à la règle.
Si un arbre est là depuis plus de 30 ans sans contestation, il ne peut pas être non plus abattu, même s’il est en infraction vis-à-vis des distances réglementaires.
Mais l’action en élagage elle, est imprescriptible. Elle ne s’éteint pas par son non-usage. La jurisprudence considère que le non-exercice de cette action d’élagage constitue une simple tolérance. L’empiètement végétal des branches d’un arbre n’est donc pas susceptible de se transformer en servitude de surplomb.
Abattage d’un arbre du voisin
Vous n’avez pas le droit d’abattre un arbre appartenant à votre voisin, même s’il empiète sur votre propriété.
Vous pouvez demander son abattage en justice si l’arbre représente un danger, cause des troubles anormaux de voisinage, ou est illégalement planté.
Les troubles anormaux de voisinage
Principe du trouble anormal de voisinage
Le trouble anormal de voisinage désigne une gêne excessive qui dépasse les inconvénients normaux de la vie en communauté.
Le Code civil définit cette notion, qui peut donner lieu à des actions en justice.
Pour les végétaux plantés à plus de deux mètres de la limite séparative il n’y a pas de hauteur limitée, rappelons-le. Mais, pour autant, ils peuvent créer des désordres ou des nuisances susceptibles de constituer des troubles anormaux de voisinage. Cette notion de trouble anormal de voisinage est aujourd’hui précisée à l’article 1253 du Code civil. Elle peut entraîner des responsabilités pour le propriétaire concerné, par exemple en cas de défaut d’entretien, de forte diminution de l’ensoleillement de la propriété voisine, de chute de branches et d’accumulation importante de feuilles mortes.
Evidemment, il s’agira de démontrer la réalité de ce trouble anormal auprès du tribunal par tous moyens adaptés.
Les feuilles mortes
Elles peuvent se ramasser à la pelle, et les conflits qui leur sont liés se retrouvent aussi à la pelle parmi les différends entre voisins. En cas de conflit, et en premier lieu, le tribunal va renvoyer les parties vers la recherche d’une solution amiable.
En cas d’échec d’une issue amiable, devant le tribunal, il sera en général considéré que leur enlèvement appartient au propriétaire du terrain où elles tombent, il s’agit alors d’un trouble normal de voisinage.
Mais une nuisance qui, par sa fréquence, sa durée, ou son intensité, devient excessive et cause un préjudice à une personne vivant à proximité, prend alors le caractère de « trouble anormal de voisinage » . Si les feuilles des arbres de votre voisin créent des bouchons dans les gouttières, des infiltrations d’eau, pouvant amener la dégradation de votre bien, le tribunal pourra prendre en compte ces éléments pour condamner le propriétaire des arbres à agir. Il appartiendra alors au juge d’apprécier la situation sur la base des éléments qui seront portés à sa connaissance et notamment d’un rapport d’huissier.
Des exceptions aux règles d’élagage (voire d’abattage)
Les dispositions prévues pour l’élagage ne n’appliquent pas lorsque l’arbre est situé sur un site où un règlement particulier prescrit de le conserver : règlement de copropriété, cahier des charges de lotissement, règlement de lotissement, Espace Boisé Classé, Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbanistique et Paysager, Aire de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine, etc.
Ces dispositions figurent dans les documents d’urbanisme des communes ou communautés de communes où est située la propriété concernée. Les documents sont souvent présents dans les annexes des règlements de PLU (Plan Local d’urbanisme ou PLUi Plan Local d’urbanisme intercommunal.
De même, l’antériorité d’une situation liée à la présence d’un arbre important sur une propriété voisine et l’inefficacité de la diminution de la ramure d’un arbre sur les nuisances constatées, peuvent venir influencer la décision du juge.
Il peut apprécier de manière souveraine la situation, de même que les juges appelés à traiter les éventuels recours ultérieurs. (30 juin 2010 Cour de cassation Pourvoi n° 09-16.257)
A qui s’adresser pour obtenir les renseignements sur des dispositions d’urbanisme restreignant l’élagage ?
En premier lieu à votre mairie. Elle dispose de tous les documents d’urbanisme utiles.
Ou à la communauté de communes lorsque celle-ci gère la compétence « urbanisme », totalement ou partiellement.
Les C.A.U.E. Conseil en Architecture Urbanisme et Environnement présents dans chaque département peuvent vous aider à trouver gratuitement ces informations.
Le C.N.P.F. Centre National de la Propriété Forestière présent dans tous les territoires peut aussi vous apporter des informations utiles pour la gestion juridique de vos arbres.
Des dérogations possibles
Dans les zones où les arbres ont fait l’objet de mesures de protection, il est possible de mettre en avant des situations particulières liées par exemple à la sécurité. Les services territoriaux des collectivités en charge des espaces verts sur le secteur concerné, peuvent instruire une demande de dérogation et apporter leur expertise en matière d’intervention à engager sur l’arbre: comment élaguer l’arbre sans le mettre en péril. Les services de l’Etat (DDT et DRAAF)) peuvent également vous apporter leur éclairage sur ces thématiques.
Des amendes dissuasives
Les arbres dits « remarquables »sont protégés par la loi. En application des articles L411-1 et L415-3, l’arbre protégé ne peut être ni abattu, ni mutilé. En France métropolitaine, 400 espèces végétales sont protégées en application d’un arrêté datant du 20 janvier 1982.
Pour un arbre dont le tronc mesure moins de 20 centimètres de diamètre, l’amende peut s’élever à 1 500 euros. Cette sanction sera éventuellement augmenté proportionnellement à la taille et à l’importance de l’arbre concerné.
L’abattage d’espèces protégées peut entraîner des sanctions plus lourdes. En fonction de la rareté et de la richesse écologique de l’arbre, les amendes peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros, sans compter d’éventuelles poursuites judiciaires.
Que faire concrètement en cas de différend lié à des végétaux appartenant à un voisin?
1. Vous adresser tout d’abord à votre voisin !
Oralement si c’est possible, ou par écrit si le dialogue est impossible.
- Envoyez une lettre recommandée à votre voisin en lui demandant d’élaguer les branches qui dépassent.
- Donnez un délai raisonnable (souvent 2 à 4 semaines).
En cas de refus ou d’inaction, vous pouvez alors tenter une conciliation via la mairie ou saisir un conciliateur de justice, ou consulter un avocat.
Dans toutes les procédures à venir, avoir saisi directement par écrit son voisin de votre demande d’intervention afin de régler un différend, sera un préalable indispensable.
2. Engager une conciliation de justice
Les conciliateurs ont été institués par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978, modifié en dernier lieu par le décret n° 96-1091 du 13 décembre 1996 qui leur a donné l’appellation de « conciliateurs de justice ».
Ils exercent leurs fonctions à titre bénévole avec des permanences réparties sur tout le territoire. On dénombre en France environ 1.800 conciliateurs de justice exerçant dans 4.000 cantons.
Ils ont pour mission de faciliter le règlement amiable des conflits portant sur des droits dont les parties ont la libre disposition. La démarche est gratuite.
En pratique, ils connaissent essentiellement des petits conflits individuels : troubles de voisinage, litiges fonciers, malfaçons, problèmes locatifs ou de consommation, exécution des contrats.
Les conciliateurs assurent le plus souvent des permanences :
– dans le local de la mairie du chef-lieu de canton ou dans les locaux des Maisons France Services ;
– dans les locaux d’une maison de justice et du droit ;
– dans l’enceinte du tribunal d’instance lors d’une audience.
Leur intervention est entièrement gratuite pour les parties .
Ils sont saisis de manière très simple :
– soit directement par le justiciable , par tout moyen (visite, lettre, téléphone), en dehors de toute procédure judiciaire ;
– soit par délégation du juge d’instance dans le cadre d’une procédure devant le tribunal judiciaire.
Vous trouverez la liste des conciliateurs de justice et leur lieu de permanence sur le site www.conciliateursdefrance.fr
3. Consulter votre protection juridique
Vous pouvez également consulter l’assurance auprès de laquelle vous avez souscrit en option, un contrat de « protection juridique » pour connaître l’assistance qu’elle peut vous apporter dans la résolution du conflit.
La protection juridique vous permet de bénéficier du conseil et de l’assistance de juristes experts : premières mesures à prendre, démarches en vue d’une solution amiable et, si besoin, engagement pour vous d’une procédure judiciaire adaptée…
4. Engager une procédure participative
Dans la procédure participative, les parties signent un contrat qui les engage à tenter de régler le litige à l’amiable avant de saisir le juge. Ce contrat est conclu pour une durée limitée et l’assistance d’un avocat est obligatoire. Les avocats organisent une négociation de bonne foi afin de trouver une solution aux différends.
En cas d’accord total, les avocats rédigent un protocole d’accord. Une partie peut demander au juge d’homologuer l’accord ou demander au greffe d’apposer la formule exécutoire sur l’accord.
En cas d’accord partiel, les parties peuvent saisir le juge pour lui demander d’homologuer les points d’accord et de trancher les points de désaccord.
En cas d’échec, les parties et leurs avocats peuvent saisir le juge afin qu’il tranche le litige.
Il faudra rémunérer les avocats chargés du dossier.
5. Saisir le tribunal judiciaire.
(Le passage préalable par une démarche amiable est obligatoire. Le tribunal ne se saisira pas de votre dossier et vous renverra tout d’abord vers une procédure de tentative de règlement amiable de votre dossier).
Si le litige persiste, vous devrez recourir à une démarche amiable pour rechercher un accord, soit en vous adressant à un conciliateur de justice, la procédure est entièrement gratuite, soit en engageant une médiation, la démarche peut être gratuite ou payante selon les dispositifs en vigueur. Vous pouvez également engager une procédure participative qui est une démarche payante avec le recours à un avocat.
Si votre litige n’est pas réglé dans le cadre d’une procédure amiable, un constat d’échec vous sera délivré et vous pourrez alors saisir le tribunal judiciaire compétent, avec ou sans l’aide d’un avocat.