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Augmentation du coût de l’électricité : une inquiétude partagée

« Territoire d’Énergie Eure-et-Loir » est l’organisme en charge d’organiser et de superviser les services publics locaux de la distribution publique d’énergie (électricité et gaz) et le service public de l’éclairage public pour une partie de l’Eure-et-Loir. En collaboration avec la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies, cet établissement public a organisé une rencontre entre élus, responsables associatifs et experts au sujet de l’évolution à venir du prix de l’électricité. Après une explosion des coûts de l’électricité au cours de ces dernières années, de nouvelles augmentations sont à prévoir en lien avec des réformes du calcul du prix de l’énergie.

La Matinale de l’Energie
Les participants :
– Fédérant 273 communes, Territoire d’Energie 28 est un syndicat mixte départemental qui regroupe de nombreuses communes et intercommunalités du département d’Eure‑et‑Loir (28), en vue de coordonner et gérer à l’échelle locale plusieurs compétences liées à l’énergie.
– La FNCCR est une association de 800 collectivités locales et de leurs groupements (communes, syndicats d’énergie, métropoles…) qui gèrent ou organisent des services publics locaux en réseau : énergie (électricité, gaz, chaleur/froid), eau, numérique, …
– David Beauvisage, Directeur général adjoint de la FNCCR, Violaine Lanneau, Secrétaire générale des services de la FNCCR et Emmanuel Romieu, Président d’AEC société d’expertise indépendante ont présenté les grands enjeux à venir, après avoir été accueillis par Xavier Nicolas Président de Territoire d’Energie 28 qui a rappelé le cadre de réflexion.

Le prix de l’électricité? Tous concernés par une énergie omniprésente!
En 2024, la consommation électrique corrigée des aléas climatiques et des effets calendaires, c’est-à-dire en neutralisant les variations de température ou de jours fériés, s’est élevée à environ 449,2 TWh, soit +0,7 % par rapport à 2023. Certes ce niveau reste inférieur à la moyenne de consommation de la période 2014–2019, du fait, notamment, de politiques de maîtrise de l’énergie, de changements industriels, de crises économiques.
L’Observatoire d’Enedis indique que, depuis quelques années, la consommation d’électricité corrigée en France s’inscrit dans une tendance baissière.
Mais elle reste une énergie indispensable à de multiples usages et la mobilité électrique vient s’ajouter aujourd’hui aux usages en voie de développement.
Les représentants de l’UFC Que Choisir 28, invités à cette « Matinale » ont souligné par la voix d’Andrew Teller », vice-président,  les inquiétudes des consommateurs en matière de tarification de l’électricité.

Les raisons des augmentations à venir
Les intervenants de la Matinale de l’Energie organisée à Chartres le 14 octobre dernier, ont explicité aux participants les enjeux à venir liés au calcul de l’électricité et aux mécanismes entraînant des hausses futures en termes de tarification.

Plusieurs facteurs influencent le prix de l’électricité et la lisibilité de ces différents facteurs se révèle complexe pour les usagers, collectivités ou consommateurs, d’où le fort intérêt apporté aux propos des orateurs présents.

  • Le coût des matières premières et des carburants
    Beaucoup de centrales électriques (gaz, charbon, fioul) qui restent en service en Europe dépendent des prix internationaux des combustibles. Si le prix du gaz augmente, cela pèse directement sur le coût de l’électricité produite dans ces centrales et utilisée notamment en cas de besoin de pointe.
  • Les énergies renouvelables et la météo
    Les différents intervenants ont rappelé à l’assistance que plus on installe de solaire, d’éolien, d’hydraulique, plus on peut produire à « très faible coût marginal », c’est-à-dire, qu’une fois l’installation payée, la production elle-même coûte peu.
    Mais ces ressources sont variables : le soleil ne brille pas toujours, le vent ne souffle pas toujours… Donc, on a des moments de surproduction (prix très bas, voire négatifs), ou à l’inverse des moments de raréfaction.La situation de saturation des infrastructures du réseau dédié à l’énergie électrique a été également rappelée.
    D’où l’émergence d’une nouvelle nécessité, à savoir, l’adaptation de la demande de consommation d’électricité à l’offre de production. (Et non l’inverse comme c’était la cas précédemment.)
    La nouvelle orientation des plages « heures creuses-heures pleines » constitue une illustration de cette adaptation rendue nécessaire par la multiplication des sources de production difficilement régulables.
  • La modernisation des réseaux et des infrastructures
    Moderniser les lignes de transport et distribution d’électricité (transformateurs, câbles, etc.) s’avère nécessaire pour supporter plus d’électricité renouvelable dispersée et produite par les parcs éoliens et photovoltaïques
    Il s’agit également de pouvoir développer les capacités de stockage (batteries, hydrogène, …), les connexions entre régions, la flexibilité du réseau. Ce sont des investissements lourds, qui se répercutent dans les charges de réseau.
    Selon les intervenants présents à la Matinale de l’Energie, 200 milliards d’euros sont nécessaires pour moderniser ces installations.
  • L’impact de la politique du carbone
    L’Europe fixe un plafond total d’émissions de CO₂ pour les secteurs les plus polluants (centrales électriques, industries lourdes, aviation intra-européenne). Chaque entreprise reçoit ou achète des quotas d’émission (1 quota = 1 tonne de CO₂). Si elle émet plus de CO₂ qu’elle n’a de quotas, elle doit en acheter sur le marché. Si elle en émet moins, elle peut vendre ses quotas.
    Les producteurs d’électricité fossile paient donc pour le carbone émis et leurs centrales à charbon ou à gaz doivent acheter des quotas pour chaque tonne de CO₂ émise. Si elles en émettent moins, elle peuvent vendre leurs quotas. Les impacts en termes financiers sont importants. Exemple :
    – 1 MWh produit avec du charbon = environ 0,9 tonne de CO₂
    – 1 MWh produit avec du gaz = environ 0,35 tonne de CO₂.
    Si le prix du quota de CO₂ est de 80 € la tonne, cela ajoute :
    – environ 72 € / MWh au coût du charbon,
    – environ 28 € / MWh au coût du gaz.Entre 2018 et 2023, le prix de la tonne de CO₂ est passé de 10 € à plus de 90 €, soit ×9. Cela a directement contribué à la hausse du prix de gros de l’électricité en Europe.
    En France, même si EDF produit majoritairement du nucléaire, le prix de marché auquel elle revend une partie de sa production dépend de ce signal européen.
    Tant que la production fossile restera nécessaire, l’effet carbone jouera sur le prix de l’électricité. De surcroît, l’extension de cette politique de diminution à venir de l’empreinte carbone aux domaines du bâtiment et du transport continuera à alimenter cette hausse du coût de l’électricité ont rappelé les experts.

Les politiques publiques et la réglementation
Mais il y a encore d’autres raisons de s’inquiéter de la hausse à venir du coût de l’électricité ont souligné les intervenants présents à cette Matinale de l’Energie.
Tarification réglementée contre marchés libres : en France, par exemple, il y a des tarifs réglementés qui évoluent selon certaines formules. Les décisions politiques liées aux subventions, taxes, et autres mécanismes de tarification influencent alors fortement les prix.
Quelques éléments sont spécifiques à la France a rappelé la FNCCR :

  • Le mécanisme ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique), qui permettait à certains fournisseurs d’acheter à EDF une part de sa production nucléaire à un prix fixe, va être remplacé à partir du 1er janvier 2026. Ce changement devrait avoir des effets sur les tarifs.
    Notre association de consommateurs UFC-Que Choisir prévoit que les factures pourraient augmenter d’environ 19% en 2026 pour les foyers soumis au tarif réglementé, si les nouvelles règles sont appliquées telles quelles. Cette perspective inquiète fortement les consommateurs.
  • Le Versement Nucléaire Universel va faire son apparition
    Il s’agit d’un mécanisme de redistribution a posteriori : EDF vendra sa production nucléaire au prix de marché, et reversera une part des revenus excédentaires à l’État, selon des seuils prédéfinis. Ce montant sera ensuite redistribué aux consommateurs sous forme de réduction sur facture, via une ligne “VNU”.
    Ce n’est pas un tarif régulé, ni un volume garanti comme l’ARENH.
  •  Le Cadre de Plancher et de Plafond sur le Nucléaire (CAPN) sera proposé à certains grands consommateurs industriels. Il prendra la forme de contrats encadrés à long terme, définissant un prix plancher pour EDF et un prix plafond pour l’acheteur.
  • Le nouvel accord entre l’État et EDF prévoit qu’à partir de 2026 le prix de référence du nucléaire historique passe à ~70 €/MWh pour une durée de 15 ans, c’est l’un des scénarios évoqués dans les analyses, ce qui serait beaucoup plus proche du coût réel anticipé. L’idée est de continuer à protéger les consommateurs des fortes hausses de prix de gros, mais sans contraindre EDF à vendre une part excessive de son électricité à un prix sous les coûts.
  • Le nouveau dispositif post-ARENH est encore en cours d’ajustement, et soulève des débats sur ses effets sur les prix, la concurrence, et l’investissement. Avec cette réforme, la part régalienne ou réglementée dans le marché de l’électricité cède une place accrue à la tarification de marché, mais encadrée pour éviter des effets de « choc » sur les prix finaux.
  • L’inquiétude des consommateurs et des collectivités
    Depuis plus d’une décennie maintenant, les associations de consommateurs et les entreprises demandent à profiter de la compétitivité de notre parc électrique, porté notamment par des centrales nucléaires dont le coût de construction est déjà largement amorti, rappelle notre association UFC Que Choisir. Pourtant, à compter du 1er janvier 2026, EDF vendra son électricité comme il le souhaite, et le marché boursier décidera des prix facturés. Loin de rassurer, ce futur mécanisme a alerté le Sénat.
    La commission d’enquête parlementaire sur « la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 » est formelle : « L’accord de novembre 2023 ressemble à un accord “perdant-perdant” pour les consommateurs et les contribuables français, dont l’issue dépendra uniquement des fluctuations imprévisibles des marchés », indique-t-elle dans un rapport en juillet 2024.
    Un point de vue qu’elle n’est pas la seule à exprimer.
    Lire ICI les éléments du rapport du Sénat.

    La seule vérité du marché
    Plus question de contraindre EDF à céder un quart de son électricité d’origine nucléaire à ses concurrents à un prix réglementé ; le contre-pied a été adopté. Désormais, 100 % de sa production nucléaire sera vendue à des prix de marché… exposant davantage les ménages et les entreprises à leur fluctuation en Bourse.
    Pour les experts de l’UFC, il apparaît qu’à compter du 1er janvier 2026, EDF pourra vendre toute sa production aux prix de gros. Ce nouveau système risque d’exposer davantage les ménages aux fluctuations des cours boursiers.

    L’UFC-Que Choisir souhaite que les consommateurs payent leur électricité à un prix juste, c’est-à-dire représentatif des coûts réels de production, et non basé sur celui de marché, sachant que nos importations ne représentent que 5 %. Le plus logique est de mettre en place un tarif régulé sur les factures proportionnel aux coûts de production du nucléaire et de l’hydraulique français. S’ils sont plus élevés que ceux constatés sur le marché, nous sommes prêts à l’accepter.

    La montée de la précarité énergétique
    La FNCCR a rappelé la montée de la précarité énergétique :

    • plus de 5,6 millions de foyers concernés  avec une forte hausse des coupures et limitations de puissance depuis 2022 et 30 % des Français qui ont déclaré « avoir eu froid » en 2024 a noté Territoire d’Energie 28.

    Dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique, une journée nationale se tiendra en novembre prochain et plus particulièrement, le 18 novembre avec la Journée de lutte contre la précarité énergétique. A cet égard, notre fédération appelle tous les citoyens à participer.

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