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La fin du ticket de caisse 3/3: l’exemple d’une fausse bonne idée ?

Issue de l’article 49 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, la mesure consistant à supprimer  le ticket de caisse (sauf si le client en fait la demande expresse) agite les débats en termes de réels bénéfices environnementaux, au-delà des aspects de gestion des achats pour le consommateur.

Les 30 milliards de tickets émis chaque année et le nombre d’arbres qui est associé à cette production de papier comportant en outre des substances qui seraient nocives pour notre environnement, s’opposent à l’impact environnemental des outils numériques. Mais l’arbre ne cacherait-il pas une autre forêt? Petit essai de panorama de la question.

Vérité d’un côté du Rhin, erreur au-delà ?
En Allemagne, l’obligation d’émettre des tickets de caisse est en vigueur depuis 2020.Un ticket de caisse doit être remis à chaque client, même si celui-ci n’achète que pour 15 centimes de marchandises.
Alors que notre voisin allemand nous semblait attentif (pour certains thèmes) à mettre en œuvre des mesures environnementales fortes, cette mesure peut surprendre.
Mais il faut l’analyser au vu des pratiques de paiement les plus usitées dans le pays.
En Allemagne, pays où les consommateurs sont attachés au paiement en espèces, la lutte contre la fraude fiscale est un objectif majeur pour l’Etat. Un  contrôle a même été institué à cet effet. Donc le ticket de caisse y est institutionnalisé !

Quel est l’ impact environnemental de la communication électronique ?
Afin de répondre à cette question, le Ministère de la Transition écologique et le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance ont confié à l’ADEME et ARCEP en 2020, une mission commune de 18 mois, visant à mesurer l’empreinte environnementale du numérique en France et à identifier des leviers d’actions et des bonnes pratiques pour la réduire, rappelle l’ARCEP.

Selon ces études « si le numérique est souvent perçu comme positif car créateur de croissance et de nouveaux modèles économiques, le numérique est pourtant responsable de 2,5 % de l’empreinte carbone de la France, et en forte croissance. »

Source ARCEP

La fabrication des outils numériques arrive en tête de l’impact environnemental (électricité, eau, …), mais leur usage impacterait également notre environnement avec la mise en œuvre des réseaux, des stockages de données et des différentes utilisations.

Interviewé  par Europe1, Frédéric Bordage, spécialiste dans l’écoconception des services numériques affirmait en 2020,  que l’envoi d’un e-mail a lui aussi un impact environnemental

Mais absence d’étude d’impact !
« On n’a aucune idée de l’impact réel » de la dématérialisation des tickets de caisse sur l’environnement, résume Frédéric Bordage responsable de Green IT, selon un reportage de TF1 INFO, en mai 2023.
« La dématérialisation est de toute façon un sujet « tarte à la crème, selon lui: « Tout le monde dit que c’est bénéfique sans jamais réaliser d’étude sur le sujet. »

Et aucune étude récente approfondie ne semble être disponible sur la question du ticket de caisse et des bénéfices tirés de sa dématérialisation.

Quel impact écologique pour un mail ?
La question est loin d’être simple avouent les spécialistes et les données des études évoluent selon la « fraîcheur » et la nature des données prises en compte. Chacun peut essayer de tester l’impact de ses usages numériques pour se faire une idée.

Pour l’ADEME, sur la base de son simulateur d’impact des usages numériques sur le climat, accessible ICI , l’envoi de 1000 mails par semaine, accompagnés d’une pièce jointe d’1 Mo et utilisant le wifi, représenterait 1,1kg Co2 par semaine. Soit l’équivalent de 265km en voiture, ou la fabrication de 9 tee-shirts, ou encore la consommation de 8 repas avec du bœuf !

 

 

 Envois de mails en masse et impact augmenté 
Selon la Fédération du Commerce et de la Distribution qui regroupe la plupart des enseignes de la grande distribution, fin 2018, ce sont plus de 10 millions de clients qui fréquentent chaque jour les enseignes de la grande distribution. On voit tout de suite l’impact que représente l’envoi d’un seul mail aux clients.

L’impact variable d’un mail selon les conditions d’utilisation
Pour Basile Fighiera, consultant-formateur en stratégie bas-carbone et sobriété numérique, pour le compte de la société SAMI qui effectue des bilans carbone pour le compte des entreprises, il ressort des études menées que « l’impact carbone d’un mail est extrêmement variable en fonction des usages et de la configuration dans laquelle le mail est rédigé par l’émetteur et lu par les destinataires.
Depuis quel type d’appareil le mail est envoyé ? A combien de personnes ? Avec ou sans pièce jointe ? Autant de paramètres qui font varier l’impact carbone de ce fameux e-mail.

Voici quelques repères chiffrés produits par cette société pour avoir des ordres de grandeur en tête  :
– Un mail court sans pièce jointe (10 Ko) rédigé et lu sur smartphone avec une connexion 4G, à 1 destinataire : 0,4 gCO2e.
– Un mail court avec une grosse pièce jointe (10 Mo) rédigé et lu sur smartphone avec une connexion 4G à 1 destinataire : 1,8 gCO2e
– Un mail avec une pièce jointe (1 Mo) rédigé sur ordinateur avec une connexion Wi-Fi à 1 destinataire : 3,3 gCO2e
– Un mail court sans pièce jointe (10 Ko) rédigé sur ordinateur avec une connexion Wi-Fi à 10 destinataires : 4,9 gCO2e

L’importance du matériel et de sa durée de vie

Pour  Basile Fighiera, « 69 % de ces 3,3 g de CO2e sont imputables à la fabrication de l’ordinateur qui a servi à l’écrire, et 23 % à celui qui aura servi à le lire. Les consommations d’énergie pendant l’écriture (5 %) et la lecture (2 %), les transferts de données sur le réseau (0,5 %) et le stockage de l’email (0,5 %) ont une incidence minime.
En d’autres termes, pour réduire l’impact environnemental d’un email, il faut allonger la durée de vie des ordinateurs et des smartphones. Comme très souvent en écologie, la vraie sobriété est là, dans la réduction de la manufacture de biens et produits neufs
. »

Le débat entre le prospectus papier et le numérique
Un débat du même ordre est présent entre le prospectus papier et le numérique. Les grands patrons de la distribution le reconnaissent eux-mêmes : « Le digital a aussi ses aspects négatifs, ça pollue aussi, il va falloir tenir une balance intéressante pour la planète« , admet Michel-Edouard Leclerc.

Dans le même temps, la grande distribution qui est confrontée à la hausse du coût de l’impression papier, sait que l’impact d’une campagne numérique se révèle plus efficace qu’une campagne de prospectus papier. L’agence NielsenIQ calcule une augmentation du chiffre d’affaire de 8% sur les clients ciblés par une promotion personnalisée.

Le risque de la multiplication des envois numériques est réel
Avec le remplacement du ticket de caisse par un envoi numérisé sur les mails clients, et l’ouverture de compte-client plus nombreux, c’est toute la stratégie de « pub commerciale » qui est concernée. Et la précision avec laquelle la cible du consommateur est visée va s’accroître pour les enseignes commerciales grâce à l’ouverture des comptes clients destinés à récupérer les fameux tickets de caisse!

Plus de comptes client signifiera-t-il plus d’envois numériques ? On peut le craindre.

La sobriété devrait donc être de mise à la fois pour la collecte des données clients et pour l’envoi des infos. Mais de campagne promotionnelle coup de poing, à la nouvelle offre saisonnière, en passant par les derniers jours de démarque, ou les bonus fidélité clients, le client sera certainement davantage contacté et de manière plus individualisée, grâce à son profil d’acheteur, que par un simple prospectus dans sa boite à lettres.

 

 

Pour aller plus loin: consulter ICI l’étude ARCEP sur les méthodes pour limiter son impact envoronnemental numérique au quotidien.

 

 

 

 

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