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L’état du mal-logement en France en 2023: de fortes préoccupations exprimées par la fondation « L’abbé Pierre »

La Fondation l’abbé Pierre vient de rendre public son rapport 2023 consacré à la situation du « mal-logement » en France. Une situation proccupante à plus d’un titre et qui, crise après crise, fragilise les familles les plus en difficulté et en particulier les mères de famille isolées.

Voici quelques extraits de ce rapport dont vous retrouverez le lien de téléchargement en bas d’article.

Des enfants à la rue en hiver

La première alerte, la plus immédiatement choquante, concerne les enfants à la rue. Des femmes enceintes ou de jeunes mères avec leurs nourrissons sont régulièrement refusées par les services d’hébergement faute de places. Dans plusieurs villes de France (notamment Rennes, Lyon, Grenoble, Le Havre, Strasbourg, Toulouse, Ivry-Sur-Seine, Rosny-sous-Bois, Pantin, Paris, Rodez), ce sont les parents d’élèves et les enseignants qui se sont émus de telles situations et ont été conduits, en l’absence de solutions d’hébergement, à se mobiliser, jusqu’à accueillir dans les écoles les enfants et familles sans domicile, ou à leur payer des nuits d’hôtel, compensant ainsi les carences de l’État. L’État face à l’insuffisance de l’offre laisse aux SIAO la gestion de l’impuissance publique et du tri inhumain entre des personnes toutes prioritaires. Et quand, en décembre 2022, par des températures négatives, le tribunal administratif impose à l’État d’héberger sept familles à la rue, dont trois femmes enceintes et une dizaine d’enfants mineurs scolarisés, l’État fait appel de la décision… et obtient gain de cause au Conseil d’État.
Au 19 décembre 2022, malgré l’ouverture de gymnases dans le cadre du plan Grand froid, on comptait encore 4 029 personnes en familles refusées le soir  même par le 115, dont 1 172 enfants et même 335 de moins de trois ans.

Les logements de moins en moins abordables dans de nombreux territoires

Alors que le logement représente depuis plusieurs années le premier poste de dépense des Françaises et Français, à hauteur de 27,8 % en 2021 (contre 20 % en 1990 selon l’Insee), la hausse des prix de l’immobilier tend à se répandre dans la plupart des régions. Aujourd’hui, toutes les zones littorales ouest et sud du pays présentent des prix élevés comme la quasi-totalité des métropoles et des secteurs à proximité de l’Allemagne, de la Suisse et du Luxembourg. D’autres villes moyennes sont touchées par la hausse des prix, notamment en raison de leur relative proximité avec la région parisienne, comme Le Mans, Tours, Chartres, Reims, Orléans ou Angers.

Dans l’ensemble des villes françaises sélectionnées, aucun parc locatif privé ne peut offrir un logement adapté aux personne seules et aux familles monoparentales ayant des revenus inférieurs à 900 €/mois (même avec l’APL). Celles-ci voient donc leurs possibilités de se loger réduites au seul parc social, quand il est disponible, ou se trouvent condamnées à devoir chercher un logement éloigné des villes-centres ou de devoir accepter de vivre dans des conditions dégradées (habitat indigne, inconfortable ou suroccupé…) ou avec des taux d’effort peu soutenables, au-delà des 33 % retenus dans notre simulation. En ce qui concerne l’accession à la propriété pour les ménages modestes étudiés ici, les perspectives sont nulles ou presque aux prix du marché.

Les dépenses contraintes liées au logement minent les budgets des ménages modestes

Avec une inflation observée sur 12 mois estimée à +6 % en octobre 2022, le pouvoir d’achat des ménages s’amenuise, impactant plus particulièrement les budgets des ménages modestes. Du fait de l’augmentation des prix, leurs marges de manœuvre financières sont considérablement réduites, notamment après le paiement des dépenses « pré-engagées » liées au logement, aussi appelées « coûts d’usage » (les charges locatives ou de copropriété mais aussi les fluides, notamment les frais de chauffage), ainsi que les assurances, les abonnements divers, souvent régis par des contrats et difficilement négociables, et les taxes.

Production de logements abordables : vers une crise majeure ?

Face à la pénurie de logements sociaux et aux difficultés d’accès du parc privé pour les ménages modestes, la construction neuve, sa localisation, sa qualité et son prix représentent des enjeux capitaux pour répondre durablement à la crise du logement. Hélas les perspectives à cet égard ne sont guère réjouissantes, particulièrement au sujet de la production Hlm. On est ainsi passé de 124 000 logements sociaux financés en 2016 à 95 000 en 2021 et sans doute autant en 2022 d’après de premières estimations.
Faute d’ambition affichée en la matière et en l’absence de mesures spécifiques, l’avenir s’annonce sombre alors que les besoins sont orientés à la hausse avec désormais 2,3 millions de ménages en attente de logement social. À cela plusieurs raisons.
En ce qui concerne la construction de logements sociaux, la raison principale du ralentissement tient à la réduction des capacités financières des organismes Hlm provoquée par les mesures d’économie adoptées au cours du précédent quinquennat, qui amputent les ressources des organismes Hlm de 1,3 milliard d’euros par an. À cela s’ajoute depuis 2018, la hausse de la TVA, alourdissant la ponction annuelle de 500 millions d’euros. Pire, la hausse des taux d’intérêt et du livret A alourdit la charge de la dette des bailleurs sociaux de près de 2 milliards par an, et risque ainsi d’hypothéquer les efforts pour augmenter le nombre de productions et de rénovations de logements sociaux.

Retrouvez la totalité du dossier « L’état du mal-logement en France 2023 », publié par la Fondation l’Abbé Pierre ICI